Numéro 154 : Guerre liturgique ou guerre de survie ?
La question de la succession du pape François est posée depuis son hospitalisation en juin de l’année passée. Il avait déjà lui-même évoqué la possibilité de se retirer, et fait allusion à la préparation d’un règlement sur le statut inédit d’un éméritat papal, sans toutefois être plus précis sur ses propres intentions. Le journaliste Marco Politi présentait ainsi récemment cette situation : « Le paradoxe des manœuvres de pré-conclave, qui se développent toujours lorsqu’un pontife atteint un âge avancé, est que les opposants à François savent qu’ils ne pourront probablement pas compter sur un pur conservateur, tandis que les réformistes savent qu’il n’y aura pas place pour un François II[1]. » C’est sur ce fond événementiel qu’il paraît nécessaire de comprendre certains faits, méthodes et manœuvres en vue d’un avenir qui se fait prochain et qui mobilise au plus haut point tous ceux qui ont placé leur espoir de transformation radicale de l’Église en Jorge Mario Bergoglio, et ce dernier lui-même dans l’efficacité de ses efforts pour atteindre le même but.
C’est ainsi notamment que peut s’éclairer, au moins partiellement, l’affaire du motu proprio Traditionis custodes, du 16 juillet 2021, texte d’une brutalité soudaine tendant à mettre un terme à la situation de cohabitation entre les liturgies post-conciliaires et la forme antérieure dite tridentine, situation qu’avait temporairement stabilisée Benoît XVI avec son motu proprio Summorum Pontificum de juillet 2007. Ce dernier était en harmonie avec la distinction entre une « herméneutique de la discontinuité et de la rupture » et une « herméneutique de la réforme dans la continuité », celle-ci étant présentée comme synthèse entre le contenu et l’expression, au sens extensif, du dépôt révélé[2]. Malheureusement, il est dans la nature de toute herméneutique de donner lieu à une diversité insurmontable d’interprétations.
Le texte du motu proprio Traditionis custodes, qui vise à annuler le précédent, est d’une formulation extrêmement autoritaire. Préparé activement depuis un semestre au moins, et quoique hâtif dans sa rédaction[3], il a pour objectif de sauvegarder la rupture symbolique, liturgique en l’occurrence, opérée, faut-il le rappeler, non pas en 1963 avec la constitution conciliaire Sacrosanctum concilium, laquelle restait ouverte du fait d’une certaine ambiguïté sur l’ampleur des changements, mais six ans plus tard, avec ce que, de manière significative, on a appelé communément la « nouvelle messe ». En 1969, la définition initiale du nouvel ordo liturgique formulée dans l’Institutio generalis Missalis romani qui le présentait avait alors soulevé de nombreuses difficultés et entraîné des réactions négatives à cause de la manière dont y étaient définis l’acte liturgique principal, sa nature et sa finalité. Il avait en conséquence été jugé nécessaire de procéder à une nouvelle rédaction de ce texte, en 1970. Déjà, donc, il apparaissait qu’un certain parti activiste tentait de radicaliser la rupture avec le passé dans ce domaine comme dans d’autres, tandis que Paul VI visait au contraire à atténuer les tensions afin d’élargir le consensus autour des dispositions nouvelles qu’il voulait faire accepter sans susciter d’oppositions. L’objectif final était peut-être le même – les historiens peuvent en débattre – mais le tempo bien différent. On sait toutefois que la réalité pratique fut plus désordonnée que ce que Paul VI avait déclaré vouloir. Il en fut ainsi en raison de l’hostilité, alors très répandue, au principe même d’une unicité stable de culte fondée sur le respect de « rubriques » définissant avec précision le déroulement de la messe, débouchant à l’inverse sur une grande « créativité » et donc sur une non moins grande diversité, encore accentuée par les expériences d’inculturation et la pluralité des traductions officielles. Sous cet angle, lorsque le motu proprio de juillet 2021 commence par affirmer que « [l]es livres liturgiques promulgués par les Saints Pontifes Paul VI et Jean-Paul II, conformément aux décrets du Concile Vatican II, sont la seule expression de la lex orandi du Rite Romain », il est en réalité bien plus fait référence à un esprit qu’à une norme juridique unique.
Il est certain que le domaine liturgique, de par son caractère symbolique immédiatement palpable dans le vie chrétienne, constitue un terrain de prédilection pour les luttes qui ont jalonné la vie interne de l’Église depuis le milieu du XXe siècle. On en a donc une nouvelle illustration avec la campagne menée au premier semestre 2021 et s’achevant provisoirement avec Traditionis custodes. Ainsi serions-nous aujourd’hui devant un acte de reprise de pouvoir de liturgistes considérant d’un mauvais œil la force d’attrait sur les générations les plus jeunes de fidèles, parmi lesquels de nombreux prêtres, d’une forme qu’ils avaient souhaité voir définitivement enterrée mais à laquelle Benoît XVI avait commis, à leurs yeux, la maladresse de redonner droit de cité. Il s’agirait alors de bloquer cette régression afin d’en revenir à la conception « conciliaire », plurale et évolutive, signe d’un nouvel éon. On peut donc y voir un message à l’adresse des « conservateurs » qui chercheraient à arrêter un processus sans fin, et cela bien au-delà du seul champ liturgique. Vu sous cet aspect, Traditionis custodes constitue un acte à double effet, dans des conditions de préparation de la succession d’une phase bergoglienne considérée comme une entreprise de « réforme » de l’Église bien entamée, mais très inachevée. Par la même occasion, derrière la remise cause du compromis liturgique établi par Benoît XVI, c’est toute la recherche d’un apaisement dont il a été le symbole le plus clair qui se voit attaquée. Dans cette hypothèse, la cible principale n’est pas la minorité fidèle à la liturgie traditionnelle, dont le « danger » n’est au demeurant qu’à terme lointain, que l’ensemble des « conservateurs » qui freinent la poursuite des transformations entamées depuis bientôt neuf ans.
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Ce « parti du mouvement » va même plus loin, semblant parfois redouter que son principal appui, le pape François lui-même, ne soit plus en mesure d’affronter le danger d’involution, à un moment où sa santé physique est menacée. Massimo Faggioli, professeur italien enseignant l’histoire de la théologie aux États-Unis (Villanova University, Pennsylvanie) et intervenant actif dans les médias, considère ainsi qu’un arrêt dans le processus de « réforme » est intervenu depuis la publication de l’exhortation Querida Amazonia, en janvier 2020, parce qu’elle n’a pas définitivement tranché en faveur du sacerdoce des femmes et du célibat des prêtres, au point de décevoir ceux qui aspirent à achever rapidement le processus[4].
Massimo Faggioli n’est pas le seul à assumer cette fonction de conseiller pressant. Son collègue et compatriote Andrea Grillo, professeur de théologie à Rome (Saint-Anselme), déploie quant à lui de nombreux efforts avec beaucoup d’audace, en particulier sous forme de conférences et de commentaires sur son blog Come se non[5]. Ce sont là des acteurs dont l’audience est assurée, s’exprimant avec une sûreté de soi frisant l’arrogance, se manifestant par l’exposition d’une théologie idéologisée et bénéficiant d’une forte présence médiatique leur permettant d’indiquer dans quel sens il faut (bien) penser. Ce ne sont cependant pas les seuls à s’activer au service de la même orientation. D’autres sont plus discrets mais non moins actifs. Par exemple, la manière tendancieuse dont ont été triées les réponses au questionnaire consultatif adressé par la Congrégation de la Foi aux évêques du monde entier, à propos de l’application du motu proprio de Benoît XVI, fait apparaître qu’au sein même de cette institution, une falsification est intervenue pour accentuer le jugement négatif de certains évêques et faire disparaître ou transformer les propos tolérants ou favorables de certains autres[6], une méthode qui rappelle celle qui avait été employée lors de la deuxième session du Synode sur la famille (2014–2015). Plus récemment, par surenchère, le cardinal-vicaire Angelo De Donatis a purement et simplement prohibé l’ancien rite dans le diocèse de Rome pour la période du Triduum pascal 2022, et donné une interprétation radicalement restrictive du récent motu proprio, sans la moindre forme de miséricorde – si invoquée par ailleurs – envers des fidèles qui n’en peuvent mais, prélude possible à une ultérieure interdiction plus complète[7]. Des déclarations semblables se répètent au fil des jours. Ces trois modes d’intervention viennent appliquer, ou renforcer les discours du pape François empreints d’acrimonie à l’encontre des marques de piété, et plus généralement de l’héritage du passé, ce qui confère une cohérence certaine à l’ensemble[8].
L’intérêt de prendre connaissance des déclarations d’intellectuels comme Andrea Grillo ou Massimo Faggioli vient de la position fonctionnelle qu’ils occupent, sans lien organique, autre que professionnel, avec la hiérarchie ecclésiale, mais avec l’aura d’une compétence universitaire reconnue. Ils tiennent ainsi une position d’avant-garde libre de s’exprimer sans entraves – et ils s’expriment, en effet ! On leur sait gré de ne pas enrober leurs intentions dans un langage à double sens.
Andrea Grillo est précis dans ses analyses critiques. Son idéal est essentiellement progressiste, en ce sens qu’il récuse en toute occasion une vision supposée arriérée de l’Église, « bloquée », ennemie aveugle de tout changement, repliée dans son musée autour de ses trois blancheurs, « l’hostie, l’Immaculée et le pape »[9]. Cette position est de principe, prolongeant et durcissant chez lui les idées de son ancien professeur, dom Ghislain Lafont[10], mais qui trouve dans l’urgence actuelle une nouvelle vigueur, sans s’embarrasser de nuances superflues. Par cohérence avec cette ligne de pensée, qui exprime en matière liturgique la même aspiration que la « fraternité » supraconfesionnelle célébrée à Abu-Dhabi, le rejet de certaines tentatives concordistes de Benoît XVI est nécessaire, et pas seulement en matière liturgique. On le vérifie par exemple, dans la lettre publique qu’a adressée Andrea Grillo à dom Pateau, abbé de Notre-Dame de Fontgombault, le 31 juillet 2021, qualifiant l’idée de « deux formes d’un même rite », introduite par Benoît XVI, comme « quelque chose qui a été inventé en 2007 par SP [Summorum Pontificum] et qui n’a aucun fondement dans le passé ecclésial », pire, comme « une élucubration sans fondement[11] ». Ce discours, en un sens, ne diffère du principe de la « réforme dans la continuité » que par une nuance d’interprétation – la continuité dont il s’agit pour le professeur de théologie étant celle de la réforme conçue comme herméneutique de la rupture, pour reprendre l’expression de Benoît XVI.
C’est donc sur ce fond théorique très cohérent avec l’évolution du pontificat bergoglien et le désir d’en prolonger les effets qu’il faut comprendre l’agitation actuelle, que celle-ci se situe sur le terrain des principes, de la discipline liturgique qui doit les exprimer – et ne supporte donc aucune « concurrence » – ou de la démocratisation interne de l’Église – enjeu implicite du prochain synode sur la synodalité et du Synodale Weg allemand. Dans cette ambiance, la publication, en France, du rapport Sauvé et l’exploitation qui en est faite joue dans le même sens. Par ailleurs, sur un terrain plus pratique, il n’est peut-être pas sans utilité de détourner l’attention, par le biais de cette subite agitation, des procès de corruption au sein des bureaux du Vatican et des manœuvres peu respectueuses de la procédure pénale qui les affectent[12].
Sur un autre terrain, on devra tenir compte du fait que les relations entre une partie de l’épiscopat américain et les instances romaines de la période bergoglienne, tendues depuis plusieurs années, ont pris une tournure nouvelle. En 2019, Nicolas Senèze, journaliste à La Croix, s’était permis de publier un livre intitulé Comment l’Amérique veut changer de pape[13]. La version italienne sortie l’année suivante aggravait ce titre, évoquant un schisme : Lo scisma americano. Come l’America vuole cambiare papa. La publication prenait pour prétexte la prise de position « antibergoglienne » de l’archevêque et ancien nonce aux États-Unis, Mgr Carlo Maria Viganò, qualifiée, non sans emphase, de coup d’État. Nicolas Senèze faisait masse des catholiques luttant contre l’avortement, des anticommunistes tardifs, des enthousiastes du capitalisme, des négateurs du changement climatique, etc., et dénonçait la complicité avec eux d’une fraction importante des évêques, en premier lieu Mgr Chaput, archevêque de Philadelphie jusqu’en 2020, bête noire du progressisme local, ainsi que le cardinal Burke.
Dans la même veine, Massimo Faggioli, dont vient à peine de paraître Joe Biden e il cattolicesimo negli Stati Uniti[14], a publié le 26 octobre dernier un article pour s’expliquer sur ce titre, dans le Huffingtonpost, intitulé « Biden et le Pape. La liste noire de l’Église américaine et l’avenir du catholicisme[15] ». L’occasion était fournie par la réception prochaine du nouveau président au Vatican, trois jours plus tard. L’article est centré sur la question de l’accès à la communion eucharistique d’un homme public, et non des moindres, ouvertement favorable à l’avortement, cas embarrassant dès lors que ce mélange des genres suscite la nette condamnation par une partie conséquente de l’épiscopat des États-Unis. Massimo Faggioli fait état de la lettre adressée par le préfet de la Congrégation de la foi, Luis Francisco Ladaria, au président de la conférence épiscopale américaine (USCCB), affirmant qu’ « il serait trompeur et réducteur de donner l’impression que l’avortement et l’euthanasie constituent comme tels les seules questions sérieuses de l’enseignement moral et social catholique qui nécessitent l’intervention de l’Église[16] ». L’article continue en affirmant que « comme la majorité des évêques américains, les juges catholiques conservateurs de la Cour suprême expriment une culture théologique à laquelle s’opposent ouvertement, de différentes manières, le président Biden et le pape François », la « culture théologique » étant ramenée, dans le cas considéré, à la condamnation de l’avortement et à une absence d’enthousiasme pour l’accueil des Lgbtq. À l’inverse, l’auteur émet quelques craintes sur l’aptitude de Biden à partager ce que François considère comme très important, le climat, l’immigration et le multilatéralisme. Massimo Faggioli redoute que « l’opposition à la papauté de François, qui a son capital politique, médiatique et financier aux États-Unis, puisse influencer le futur équilibre du pouvoir dans l’Église au niveau mondial, avant même le prochain conclave ». La crainte ainsi exprimée est que les nouveaux cardinaux, qui proviennent de toutes les parties du monde et n’ont pas pour la plupart d’expérience du milieu romain, puissent être influencés, notamment par le fait d’être les obligés d’œuvres charitables soutenues et influencées par les « conservateurs » américains, lesquels pourraient donc peser sur leur choix le moment venu[17].
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Tels sont quelques aspects saillants de l’actualité de ce pré-conclave. Ils ont le mérite de faire apparaître des réalités jusqu’à présent restées en demi-teinte, mais aussi comme conséquence inévitable de manifester clairement l’impossibilité de maintenir indéfiniment ce que le fondateur de la communauté de Taizé avait appelé la « dynamique du provisoire ». La fin actuelle de la trêve liturgique et, plus généralement, l’impossibilité de maintenir plus longtemps une ambiguïté à propos de l’idée de « réforme » de l’Église font clairement comprendre qu’une étape décisive est en train de se franchir. La flambée idéologique et disciplinaire actuelle est certes liée à la circonstance entrevue d’une démission de François, a fortiori de son éventuel décès. Si l’appréciation de Marco Politi rapportée au début est fondée, avec sa distinction en trois groupes, deux « extrêmes » et entre eux, un espace modéré, il est cependant impensable que le cours des choses reste en l’état. Le parti idéologique qui a placé ses attentes en Jorge Mario Bergoglio joue sa survie. S’il devait l’emporter, il nous entraînerait dans une tentative de rupture aggravée, visant l’avènement d’une autre Église que celle fondée par Jésus-Christ. Il reste que la violence dont ils usent jouent contre eux. La part de chrétienté qui s’avère être la plus fidèle, longtemps bénéficiaire du statut d’attente établi par un Benoît XVI maintenant ouvertement dénigré, et quelle que soit d’ailleurs l’option liturgique vers laquelle elle s’est portée, formera alors le point d’appui d’une continuité vivante. Les « conservateurs » ne pourront pas poursuivre indéfiniment dans la voie de l’immobilisme ou des demi-mesures, dans un monde toujours plus oppressant, tandis que le peuple chrétien vivotant en cohérence avec cette attitude continuerait de s’étioler. Ainsi nul ne fera l’économie d’une redéfinition théologique et pratique de son propre statut. En définitive, la crise actuelle aura donc le grand mérite de permettre une sortie de l’indétermination.
Bernard Dumont
[1]. « L’era dell’incertezza del pontificato di Bergoglio e la supremazia della religione fai-da-te » [L’ère de l’incertitude du pontificat de Bergoglio et la suprématie de la religion à la carte], 23 octobre 2021, sur https://www.ilfattoquotidiano.it/blog/mpoliti/. Marco Politi est un vaticaniste reconnu, invité périodique de France-Culture.
[2]. Benoît XVI, discours à la Curie romaine, 22 décembre 2005. L’ancien pontife parlait de « synthèse de fidélité et de dynamisme », et donnait comme exemple, entre autres, la redéfinition de la doctrine catholique touchant à l’ordre politique, sur la base d’une acceptation de principe de la « coexistence ordonnée et tolérante » à l’exemple du modèle de la constitution américaine.
[3]. L’article 1er pose que « [l]es livres liturgiques promulgués par les saints pontifes Paul VI et Jean-Paul II, en conformité avec les décrets du concile Vatican II, sont l’unique expression de la lex orandi du rite romain », mais les articles suivants établissent les conditions dans lesquelles le Missel antérieur peut continuer à être utilisé. On notera que de temps à autre se voit dénoncée la façon d’agir ajuridique du pape François, comme dernièrement (8 novembre 2021) par Andrea Gagliarducci sur Monday Vatican, sous le titre « Pope Francis, do (hidden) means serve the end ? » (Les moyens cachés servent-ils la fin ?). L’auteur, journaliste en poste au Vatican, soulève entre autres la question suivante « Les choix du pape François sont-ils transparents et cohérents non seulement avec le droit canonique mais aussi avec la doctrine sociale de l’Église ? Dans certains cas, la réponse semble être négative. Mais elle “semble” parce qu’il n’y a pas de possibilité d’analyse plus approfondie, l’activité législative étant tellement rapide, et l’activité consultative si réduite ». Ce climat joue évidemment beaucoup dans le contexte auquel nous nous intéressons ici.
[4]. « Francisco, Biden e os radicais de direita, um debate com Massimo Faggioli », entretien accordé à l’Institut Humanitas Unisinos (Université jésuite de Rio dos Sinos, Rio Grande do Sul, Brésil ), le 24 septembre 2021. Ici, la réponse du conférencier à une question posée par un étudiant : https://youtu.be/jud8ZqzOY9I. Le fait que François temporise dans l’affaire de l’Amazonie comme dans celle du Synodale Weg allemand lui a valu récemment de recevoir le prix du « misogyne de l’année », dans le numéro de novembre-décembre 2021 de la revue féministe allemande Emma, portant en couverture : « Der Pabst Sexist man alive » (le pape, un sexiste vivant). Ce n’est qu’un indicateur externe, mais tout de même significatif.
[5]. Blog accueilli sur la revue en ligne Munera. Ses amis et lui-même, à la fin de l’année 2019, avaient pratiquement dicté le contenu de Traditionis custodes, dans le petit manifeste collectif dirigé par Andrea Grillo et Zeno Carra, Oltre Summorum Pontificum. Per una riconciliazione liturgica possibile (EDB, Bologne, 2021), présenté dans Bernard Dumont, « Liturgie : la pierre d’achoppement » (Catholica n. 151, printemps 2021, pp. 26–29).
[6]. Rappelons que la Congrégation de la Foi avait lancé une consultation auprès des évêques du monde entier, en 2020, au sujet de la pratique de l’ancien ordo missae. Une fuite avait mis sur la place publique les réponses supposées fournies par les évêques français, déjà largement épurées en vue de les durcir (cf. B. Dumont, « Liturgie : la pierre d’achoppement », déjà cité). Depuis, une enquête menée par la journaliste Diane Montagna a révélé que, selon elle, deux tiers des évêques consultés avaient donné des appréciations modérées ou favorables à la cohabitation des deux rites, citant les propos d’évêques d’Italie, France, Angleterre, États-Unis, Mexique et Philippines (29 octobre 2021, https://www.lifesitenews.com/news/hidden-story-behind-traditionis-custodes-more-bishops-responses-on-the-latin-mass-revealed/).
[7]. Lettre du 7 octobre 2021. Cet écrit ne veut connaître que l’article 1er du motu proprio (les livres liturgiques postconciliaires sont l’unique expression de la lex orandi du rite romain) et interdit donc ce qui était en usage encore la veille. Texte disponible sur https://www.diocesidiroma.it/archivio/2021/cardinale/Lettera_di_attuazione_del_motu_proprio_Traditionis_Custodes_doc_980.pdf
[8]. Un exemple parmi de nombreux autres : l’homélie pour l’ouverture du Synode sur la synodalité contient la petite phrase suivante : « Mentre talvolta preferiamo ripararci in rapporti formali o indossare maschere di circostanza – lo spirito clericale e di corte : sono più monsieur l’abbé che padre… » [Même si nous préférons parfois nous abriter dans des relations formelles ou porter un masque de circonstance – l’esprit clérical ou de cour : je suis plus monsieur l’abbé que père]. L’insertion de l’expression française dans le texte italien paraît assez lourde de sens.
[9]. Andrea Grillo a tenu ce discours dans un entretien à la RAI, le 13 janvier 2020, critiquant les positions soutenues dans le livre Dal profondo del nostro cuore, co-écrit par le cardinal Sarah et Joseph Ratzinge/Benoît XVI, alors à peine sorti en Italie et en France. Les trois blancheurs sont une allusion à la vision reçue par saint Jean Bosco le 30 mai 1862.
[10]. Dom Ghislain Lafont, bénédictin de Sainte-Marie de la Pierre-qui-vire, est décédé en mai 2021. Son dernier écrit fut très bref, un simple chapitre dans un numéro de la revue Munera (2e trimestre 2020) intitulé « La Chiesa che verrà » [l’Église qui vient]. On peut y lire que « Longtemps, l’Église latine a été définie par une formule : Ecclesia, id est fides et sacramenta, l’Église, c’est la foi et les sacrements. Aujourd’hui, une formule plus large et plus intense résumerait le chemin parcouru et guide ce qu’il reste à accomplir : Ecclesia, id est Evangelium et donum Spiritus Sancti (l’Église, c’est-à-dire l’Évangile et le don du Saint-Esprit). Les mêmes idées sont développées dans Un cattolicesimo diverso (EDB, Bologne, 2019), dont l’éditeur résume quelques positions : « La première concerne la révision de l’idée du sacrifice comme une pratique essentiellement liée à l’amour (et non au mal ou au péché). La seconde présuppose de repenser l’Eucharistie comme la “mémoire active” du sacrifice “absolument unique” du Christ, qui ne nécessite pas tout l’appareil rituel auquel nous sommes habitués. »
[11]. Andrea Grillo, « Cher Père Abbé… Sur la paix liturgique : en dialogue avec Dom Pateau » : https://www.cittadellaeditrice.com/munera/cher-pere-abbe-sur-la-paix-liturgique-en-dialogue-avec-dom-pateau/
[12]. Il faudrait se reporter aux revues de presse présentées sur le blog multilingue Il Sismografo, spécialement attentif à informer et commenter au jour le jour ces affaires (http://ilsismografo.blogspot.com/). Le vaticaniste Andrea Gagliarducci concluait pour sa part, le 22 novembre dernier, son analyse du traitement judiciaire de l’affaire Becciù : « Le procès semble maintenant changer de visage et risque de se transformer en un formidable boomerang pour la Justice du pape. […] Il y a l’inquiétude des observateurs internationaux, qui ont identifié les faiblesses du procès et n’ont pas manqué de les souligner. Et puis, parce que les accusés eux-mêmes n’hésiteront sans doute pas à faire appel à Strasbourg » (texte original en anglais : http://www.mondayvatican.com/vatican/pope-francis-is-the-perception-of-the-season-of-justice-changing?fbclid=IwAR1IH7iH7UJtrb0iuptEZyNxRY478SaTQt6QeG_0p27pkre6hUYa_G8NJ2w
[13]. Bayard, 2019. Le journaliste, qui faisait partie des invités de presse lors du vol menant François au Mozambique, en septembre 2019, lui avait offert son livre, s’attirant la réponse étonnante suivante : « Pour moi, c’est un honneur que les Américains m’attaquent ».
[14]. Scholè, Brescia, 2021. Traduction française : Joe Biden, un catholique face à l’Amérique (Bayard, septembre 2021).
[15]. M. Faggioli, « Biden e il Papa. La lista nera della chiesa Usa e il futuro del cattolicesimo », sur https://www.huffingtonpost.it/entry/joe-biden-e-il-papa-in-cima-alla-lista-nera-della-chiesa-usa_it_61779ce5e4b03072d6fb18bf
[16]. Cet énoncé, comme le reste de la lettre, ne tranche rien et se contente de demander que les évêques des États-Unis se mettent d’accord entre eux. Mais il s’inscrit en fait dans l’ancienne thématique de la « consistent ethic of life », lancée en 1983 par le cardinal Bernardin, aujourd’hui disparu. Dans cet esprit, il s’agissait de dire aux opposants à l’avortement : nous prendrons en considération vos arguments le jour où vous admettrez qu’il y a un autre sujet auquel vous devriez vous opposer, à savoir la peine de mort.
[17]. Massimo Faggioli s’est expressément inquiété de ce « danger », qu’il impute à un « petit groupe » d’agents d’influence (« The looming conclave : Catholic populists and the “dubia”. Why Pope Francis urgently needs to revise the protocol that will regulate the election of his successor », La Croix International, 20 juillet 2021).