Revue de réflexion politique et religieuse.

Méta­mor­phose du synode

Article publié le 30 Août 2023 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Recen­sion de Car­lo Fon­tap­piè, Metar­mo­fo­si del­la sino­da­li­tà, Dal Vati­ca­no II a papa Fran­ces­co, Mar­cia­num Press (Stu­dium), Venise, 2023, 117 p., 13 €

L’auteur enseigne le droit canon à l’Université Roma Tre et est membre asso­cié de l’EHESS (Droit et Socié­té). Il com­mence par la genèse de la pro­mo­tion de l’idée de syno­da­li­té, un concept « deve­nu aujourd’hui vague et indé­ter­mi­né, ou si l’on pré­fère, quelque chose d’extrêmement élas­tique et de passe-par­tout ». Dans son accep­tion contem­po­raine, il en voit l’origine loin­taine dans l’Action catho­lique, avec sa « pro­mo­tion du laï­cat », ou plu­tôt d’un cer­tain laï­cat de « mili­tants », au sein d’une struc­ture axée en prin­cipe sur le « reli­gieux d’abord » plu­tôt que sur l’insertion dans le tem­po­rel. C’est en s’appuyant sur le trem­plin de la col­lé­gia­li­té conci­liaire que sont appa­rues pro­gres­si­ve­ment, notam­ment à par­tir de la Hol­lande des années 1966–70, des assem­blées ten­dant à implan­ter cer­taines formes de débats démo­cra­tiques dans l’Église, et, paral­lè­le­ment, une impor­tante pro­duc­tion théo­lo­gique sur la ques­tion. Car­lo Fon­tap­piè en offre un tableau très com­plet, dans le temps comme dans l’espace, depuis la faveur pour l’esprit com­mu­nau­taire orien­tal (sobor­nost) jusqu’à la reprise de l’idée pro­fane de gou­ver­nance, c’est-à-dire d’arrangement glis­sant sup­pléant le gou­ver­ne­ment revê­tu de l’autorité. Le troi­sième cha­pitre (« La récep­tion de “l’Église syno­dale” et ses limites ») s’intéresse au « tour­nant syno­dal du pape Fran­çois », fai­sant appa­raître un déca­lage entre l’allusion aux pre­miers temps de l’Église et le « tour­nant » en ques­tion, ins­pi­ré, selon le cano­niste, par la pen­sée de Karl Rah­ner, auteur, dès 1972, d’un pro­jet d’Église « déclé­ri­ca­li­sée » et « démo­cra­ti­sée », cela bien que la pen­sée ber­go­glienne sur le sujet se soit mon­trée assez mou­vante au fil du temps. Ici encore l’auteur déter­mine clai­re­ment la plu­ra­li­té des inter­pré­ta­tions qui en résultent, finis­sant en confu­sion.

Le point de départ conci­liaire de ce mou­ve­ment était posi­tif autant que modeste : d’un côté, un accent mis sur la « col­lé­gia­li­té » épis­co­pale, de l’autre, sur la digni­té du « peuple de Dieu ». C’est sur la cri­tique pro­gres­sive du pre­mier terme que s’est éla­bo­rée dia­lec­ti­que­ment la notion actuelle de syno­da­li­té. L’auteur consi­dère comme un moment impor­tant la paru­tion du docu­ment de la Com­mis­sion théo­lo­gique inter­na­tio­nale, La syno­da­li­té dans la vie et dans la mis­sion de l’Église (5 mai 2018), dans lequel « la fibre tra­di­tion­nelle de la syno­da­li­té est pour ain­si dire “régé­né­rée” en un “pro­duit” nou­veau de plus grande valeur et por­tée ». La post­mo­der­ni­té démo­cra­tique a vu se répandre l’idée d’une confis­ca­tion des droits du peuple ; plus ou moins clai­re­ment, le même sché­ma s’applique ici, pré­sup­po­sant que « tout fidèle est non seule­ment por­teur légi­time d’opinions, mais aus­si de pro­po­si­tions ». Le 9 octobre 2021, Fran­çois annon­çait le début d’un nou­veau cours, nous ache­mi­nant « non pas occa­sion­nel­le­ment, mais struc­tu­rel­le­ment vers une Église syno­dale », le synode étant, non pas « un évé­ne­ment », mais « un pro­ces­sus ». Par ce carac­tère cen­tral accor­dé à la syno­da­li­té – selon son accep­tion der­nière appa­rue – l’heure vien­drait de la décen­tra­li­sa­tion ecclé­siale, l’éclatement du centre. Car­lo Fon­tap­piè note cepen­dant, au terme de son enquête, la carac­tère « liquide » de l’évolution ain­si annon­cée, lais­sant dans le flou la ques­tion de savoir si elle conduit à une rup­ture orga­ni­sa­tion­nelle ou bien struc­tu­relle, c’est-à-dire attei­gnant sa divine consti­tu­tion. Cela dit, le cano­niste remarque en conclu­sion que des chan­ge­ments aus­si radi­caux ne sau­raient se faire rapi­de­ment dans l’Église. Manière de dire que le temps fera son œuvre. Ce qui est conso­lant, mais rela­ti­ve­ment seule­ment.

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