Métamorphose du synode
Recension de Carlo Fontappiè, Metarmofosi della sinodalità, Dal Vaticano II a papa Francesco, Marcianum Press (Studium), Venise, 2023, 117 p., 13 €
L’auteur enseigne le droit canon à l’Université Roma Tre et est membre associé de l’EHESS (Droit et Société). Il commence par la genèse de la promotion de l’idée de synodalité, un concept « devenu aujourd’hui vague et indéterminé, ou si l’on préfère, quelque chose d’extrêmement élastique et de passe-partout ». Dans son acception contemporaine, il en voit l’origine lointaine dans l’Action catholique, avec sa « promotion du laïcat », ou plutôt d’un certain laïcat de « militants », au sein d’une structure axée en principe sur le « religieux d’abord » plutôt que sur l’insertion dans le temporel. C’est en s’appuyant sur le tremplin de la collégialité conciliaire que sont apparues progressivement, notamment à partir de la Hollande des années 1966–70, des assemblées tendant à implanter certaines formes de débats démocratiques dans l’Église, et, parallèlement, une importante production théologique sur la question. Carlo Fontappiè en offre un tableau très complet, dans le temps comme dans l’espace, depuis la faveur pour l’esprit communautaire oriental (sobornost) jusqu’à la reprise de l’idée profane de gouvernance, c’est-à-dire d’arrangement glissant suppléant le gouvernement revêtu de l’autorité. Le troisième chapitre (« La réception de “l’Église synodale” et ses limites ») s’intéresse au « tournant synodal du pape François », faisant apparaître un décalage entre l’allusion aux premiers temps de l’Église et le « tournant » en question, inspiré, selon le canoniste, par la pensée de Karl Rahner, auteur, dès 1972, d’un projet d’Église « décléricalisée » et « démocratisée », cela bien que la pensée bergoglienne sur le sujet se soit montrée assez mouvante au fil du temps. Ici encore l’auteur détermine clairement la pluralité des interprétations qui en résultent, finissant en confusion.
Le point de départ conciliaire de ce mouvement était positif autant que modeste : d’un côté, un accent mis sur la « collégialité » épiscopale, de l’autre, sur la dignité du « peuple de Dieu ». C’est sur la critique progressive du premier terme que s’est élaborée dialectiquement la notion actuelle de synodalité. L’auteur considère comme un moment important la parution du document de la Commission théologique internationale, La synodalité dans la vie et dans la mission de l’Église (5 mai 2018), dans lequel « la fibre traditionnelle de la synodalité est pour ainsi dire “régénérée” en un “produit” nouveau de plus grande valeur et portée ». La postmodernité démocratique a vu se répandre l’idée d’une confiscation des droits du peuple ; plus ou moins clairement, le même schéma s’applique ici, présupposant que « tout fidèle est non seulement porteur légitime d’opinions, mais aussi de propositions ». Le 9 octobre 2021, François annonçait le début d’un nouveau cours, nous acheminant « non pas occasionnellement, mais structurellement vers une Église synodale », le synode étant, non pas « un événement », mais « un processus ». Par ce caractère central accordé à la synodalité – selon son acception dernière apparue – l’heure viendrait de la décentralisation ecclésiale, l’éclatement du centre. Carlo Fontappiè note cependant, au terme de son enquête, la caractère « liquide » de l’évolution ainsi annoncée, laissant dans le flou la question de savoir si elle conduit à une rupture organisationnelle ou bien structurelle, c’est-à-dire atteignant sa divine constitution. Cela dit, le canoniste remarque en conclusion que des changements aussi radicaux ne sauraient se faire rapidement dans l’Église. Manière de dire que le temps fera son œuvre. Ce qui est consolant, mais relativement seulement.