Synode sur la synodalité. Post-scriptum (partie 2)
L’article ci-dessus a été publié avant la première session « synodale ». Nous avons demandé à l’auteur de bien vouloir rédiger ce post-scriptum pour compléter le commentaire de cet épisode.
La première assemblée romaine du Synode sur la synodalité s’est tenue du 4 au 29 octobre 2023. Officiellement, elle s’est définie comme « XVIe Assemblée ordinaire du Synode des évêques », mais ce n’est pas pour rien qu’elle n’a finalement pas été appelée ainsi. En effet, il ne s’agissait pas seulement d’un synode où les évêques ont eu le droit de vote sur les questions concernant la foi, la morale et la pratique pastorale de l’Église, mais où ce même droit de vote a été également étendu aux laïcs, qui étaient ainsi assimilés de jure aux évêques. Tel est l’objectif de la nouvelle logique synodale qui vise à reconstituer l’Église sur le modèle de la synodalité, modifiant aussi de la sorte la nature même du Synode des évêques. Dans le Rapport de synthèse de la première session, publié le 28 octobre 2023[1], on aurait pu s’attendre à quelque chose de très perturbant, étant donné qu’à l’ordre du jour figuraient des sujets provocants tels que la bénédiction des couples de même sexe, le diaconat et le sacerdoce féminin, le déclassement du célibat sacerdotal, etc. Au milieu des tiraillements synodaux, les organisateurs ont rencontré des dissensions non négligeables sur ces questions dérangeantes, de sorte que le document final a été affadi. L’acronyme LGBTQ+ si cher au parti du père James Martin, pourtant majoritaire, n’est même pas mentionné. Il est dit que les recherches sur l’accès des femmes au diaconat se poursuivent et, par une question rhétorique et délibérément ambiguë, il est également dit que certains se demandent si la convenance théologique du célibat devrait aussi se traduire par une obligation disciplinaire. Comme si la discipline ne dépendait pas de la théologie et surtout de la doctrine.
Est-ce une marche arrière par rapport aux desiderata attentivement étudiés, selon une méthode lissée dans les moindres détails ? Cela ne semble pas être le cas. Il s’agit plutôt d’une réorientation. En effet, le document confirme la vision de fond désormais connue, que nous analyserons plus avant : le Synode est une méthode qui opère à long terme pour déclasser la foi au profit de la pratique pastorale, cela sur des questions intouchables si on les considère dans leur cadre dogmatique, mais qui, par rapport à l’époque et aux exigences du moment, peuvent donner lieu à des dispositions nouvelles, quoique hétérodoxes. Une expression de cette méthode, qui résume le sens des documents précédents, est ce qui est dit au paragraphe 15 alinéa g du Rapport de synthèse : la grande tradition théologico-morale et magistérielle n’est plus en mesure de comprendre les changements anthropologiques actuels, et donc, c’est avec l’aide des sciences qu’il est nécessaire de s’ouvrir à de nouvelles études, sans céder à des jugements simplificateurs qui pourraient être offensants. En quelques lignes, toute la sagesse du Magistère sur les questions éthico-morales, seule capable de se prononcer sur la bonté ou la fausseté morale des actes humains, est mise de côté pour s’ouvrir à une nouvelle méthodologie, celle d’une théologie qui accueille en son sein les données des autres sciences, en se laissant changer par elles. C’est d’ailleurs ce que dit le nouveau motu proprio Ad theologiam promovendam du 1er novembre 2023, et ce qui est déjà apparu dans deux actes d’une grande pertinence : les réponses de François aux cinq nouveaux dubia qui lui ont été soumis par cinq cardinaux[2], et ce qu’a dit le récent Dicastère pour la Doctrine de la Foi à propos de la possibilité, entre autres, qu’un transsexuel soit baptisé[3] et qu’un couple homo-affectif présente « son » enfant au baptême. Ce qui est étonnant, dans ces deux derniers cas, au-delà des réponses elles-mêmes, c’est l’ouverture à la bénédiction des couples homosexuels (avant même que cela ne soit discuté pendant le Synode) et l’acceptation de termes issus de la culture radicale contemporaine, incorporés de force dans le patrimoine théologique et donc baptisés eux-mêmes, donnant effet dans la pratique à ce que le Synode et son esprit exigeaient. Une synodalité qui, même si elle n’est pas très claire et reste encore inexprimée au niveau théorique, le devient de plus en plus au niveau pratique. Avec des décisions ex officio qui ne sont pas non plus très synodales.
[1]. Cf. https://eglise.catholique.fr/wp-content/uploads/sites/2/2023/11/Rapport_synthese_-Synode_synodalite_oct2023.pdf
[2]. Cf. https://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_con_cfaith_risposta-dubia-2023_fr.pdf. Ces réponses font toutefois abstraction d’une autre demande d’éclaircissement formulée par les Cardinaux à la suite des réponses du Pape parce qu’elles sont considérées évasives et trompeuses par rapport aux problèmes soulevés. Texte complet : https://www.ilpensierocattolico.it/new/wp-content/uploads/2023/10/I‑nuovi-Dubia-ed-il-Sinodo-della-discordia.pdf
[3]. Réponses rendues publiques le 3 novembre 2023. Cf. https://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_ddf_20231031-documento-mons-negri.pdf.